L'incontinence urinaire : difficulté d'évaluation
L’épidémiologie est difficile en matière d’incontinence. Le tabou reste très présent.
En France, près de 3 millions de personnes souffrant d’incontinence urinaire dont en majorité des femmes, et une femme sur trois qui serait concernée par l’incontinence urinaire, on peut parler d’un réel problème de santé publique.
La plus grande étude menée ces dernières années (27936 femmes) est l’étude EPINCONT (Norvège – 2007). Elle permet de démontrer que l’incontinence urinaire n’est pas liée exclusivement au vieillissement, les femmes jeunes et actives (moins de 50 ans) étant également touchées. Chez ces dernières, c’est l’incontinence urinaire d’effort qui prédomine (près de la moitié des femmes), tandis que chez les plus de 50 ans, il s’agit le plus souvent d’incontinence urinaire mixte ou par impériosité (10 à 20 %).
Entre 20 et 29 ans, 12% des femmes sont touchées par des problèmes d'incontinence.
Entre 60 et 69 ans, 25% des femmes sont touchées par des problèmes d'incontinence.
Au delà de 80 ans, ce sont 32% des femmes qui souffrent d'incontinence.
La difficulté rencontrée par les épidémiologistes semble être liée à une multiplicité de définitions concernant l'incontinence urinaire et des critères d'évaluation.
« Une enquête réalisée par Temml et al. (14) chez 1 862 femmes se présentant à des examens de santé gratuits a montré que 67,7 % des femmes souffrant d'incontinence (dont 18 % avaient des symptômes considérés comme modérés à sévères) considéraient que leur pathologie affectait leur qualité de vie ».[1].
Les troubles de la statique pelvienne intéressent les différents étages du pelvis (urologique, gynécologique et ano-rectal) ; il est fréquent de constater des pathologies sur les trois étages [2], ce qui altère d'autant plus la qualité de vie de la patiente.
Il semble donc indispensable, en consultation, de préciser aux femmes, la définition de l'incontinence urinaire, de bien faire préciser les symptômes et d'évaluer le retentissement de l'incontinence sur la qualité de vie.
L’International Continence Society définit l'Incontinence Urinaire comme étant une « perte involontaire d’urine par l’urètre », constituant un problème social ou d’hygiène et qui peut objectivement être démontrée.
D'après F. Haab et coll., « Le terme d’incontinence urinaire doit être précisé selon : le mécanisme et les circonstances de survenue des fuites, leur sévérité, leur fréquence, l’existence d’éventuels facteurs favorisants, leur impact social, hygiénique ou sur la qualité de vie, l’existence d’éventuelles mesures prises pour éviter les fuites et enfin la notion de demande médicale de la part du patient »[3].
Une anamnèse fine permettra de préciser l'incontinence urinaire, son mécanisme physiopathologique et son retentissement sur le quotidien de la patiente.
Le questionnaire auto-administré USP® est recommandé [4]. Il peut être remis à la patiente en salle d'attente ou à remplir à domicile. Développé récemment par l’Association française d’Urologie et validé sur le plan psychométrique, l'évaluation en 10 questions, porte sur la dysurie et les symptômes irritatifs en plus de celle de l’incontinence urinaire.
Plus simplement, lors de la première consultation dite bilan, l'échelle de Mesure du Handicap Urinaire est rapide d'utilisation et permettra un premier point sur la situation[5] .
L'échelle de Ditrovie, développée et validée en français, évalue le retentissement en terme de qualité de vie des troubles mictionnels de la femme à type d’urgenturie, de pollakiurie ou d’incontinence urinaire urgenturie.
L'incontinence urinaire et les troubles de la statique pelvienne souvent associés ont parfois un retentissement sur la sexualité. L'auto-questionnaire PISQ-12, (Rogers et al.) peut également être utile. "Il est validé en anglais et en français" Dr TRIOPON et al. [6]
[1]. HAS - Prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme en médecine générale - 2003
[2].Olsen, A.L., V.J. Smith, J.O. Bergstrom, et al., Epidemiology of surgically managed organ prolapse and urinary incontinence. Obstet Gynecol, 1997 ; 89: 501-6.
465- 71.
[3] F. Haab et coll., Progrès en Urologie (2004), 14, 1103-1111
[4] Association Française d'Urologie - http://www.urofrance.org
[5] Gérard Amarenco & all. - http://www.cofemer.fr/UserFiles/File/MHU(1).pdf
[6] R. de Tayrac, V. Letouzey, G. Triopon, L. Wagner, P. Costa : diagnostic et évaluation clinique de l’incontinence urinaire féminine. Gynecol Obstet Biol Reprod. Déc 2009, suppl vol.38 : S 153-65, 2010