La rééducation périnéale Globale ; une approche médico-rééducative
Entre 19 %[1] et 31 %[2] des patientes présentant une incontinence urinaire ont une incontinence fécale.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié les facteurs de risque tels que les grossesses, les accouchements, la parité, la constipation ou l’activité physique[3].
La prise en charge rééducative des patientes incontinentes urinaires est recommandée de 1ere intention [4]. De nombreuses revues de littérature démontrent l’efficacité isolée des différentes techniques de prise en charge des incontinences et des troubles de la statique pelvienne, ainsi que la nécessité de proposer aux patientes une prise en charge multipolaire et un apprentissage qui les mène à l’autonomie. [5]
Des études récentes ont d’ailleurs amené le Collège National des Gynécologues Obstétriciens à revoir les recommandations sur le sujet, et à recommander la rééducation périnéale « pour traiter une incontinence urinaire persistant à 3 mois du post-partum, quel que soit le type d’incontinence »[6]
De manière générale l'on parle communément de rééducation périnéale, rarement de troubles de la statique pelvienne, et exceptionnellement de statique globale…
Il s'agit trop souvent de rééducation musculaire exclusive, or, conformément aux recommandations de la HAS, la rééducation doit être périnéale, rachidienne et abdominale, et surtout répondre aux besoins de LA patiente. Le praticien doit par conséquent savoir poser un diagnostic à partir d’un bilan précis (ANAES – reco du post partum 2002) et adapter la thérapeutique à la pathologie mais aussi à LA patiente avec son activité, sa vie, ses affects, ELLE en somme…
« Les principes thérapeutiques sont d’adapter les techniques aux déficiences ou incapacités repérées sur le périnée et la continence, sur le rachis et la ceinture pelvienne, et sur la sangle abdominale, ainsi que de respecter la synergie physiologique entre périnée et abdominaux.» HAS 2002.
Une prise en charge multipolaire s’impose donc : éducative corporelle et comportementale, rééducative prenant en compte la globalité de l’être, au sein de laquelle la patiente devient actrice active de sa rééducation, autonome ; il s’agit donc de plus de réhabilitation que de «rééducation », ce dans un but de pérennité.
Concernant l’incontinence anale (IA) du post-partum: « L'attitude à adopter devant la persistance d'une IA du post-partum n'a jamais été évaluée scientifiquement. Le consensus professionnel actuel est le suivant :
En cas de rupture cliniquement franche et symptomatique du sphincter externe de l'anus, il est recommandé de la réparer sans délai ;
dans les autres cas, en raison de la disparition de la plupart des IA du post-partum dans les mois qui suivent l'accouchement, il est recommandé de proposer dans un premier temps des séances de rééducation périnéale ;
en cas de troubles persistants 6 mois après l'accouchement, malgré la rééducation, il est recommandé d'adresser la malade pour avis dans un centre spécialisé, afin d'explorer et de traiter l'IA. »
Bien plus que de périnée, il s’agit d’améliorer la Santé Globale des femmes.
La santé pelvienne est définie par le terme STATIQUE PELVIENNE qui sous entend la notion d’équilibre… Cet équilibre est liée aux antécédents médicaux et obstétricaux certes, mais aussi à l’environnement externe et interne (relations, activités, émotions, sentiments, santé « physique », posture…). La place de la sage-femme, avec une approche globale, médico-rééducative me paraît très pertinente, notre profession médicale consistant en l’art de la Maïeutique, l’art de permettre à l’autre d’être… et de par la place de la sage-femme auprès de la femme de tout âge, dans tous les états de sa vie… Au cœur du féminin…
Les connaissances médicales à acquérir sont nombreuses.
Ces connaissances sont indispensables et malheureusement font bien défaut dans notre profession… Les considérations de statique globale et de prévention des troubles musculo-squelettiques dans le traitement et la prévention des pathologies périnéales et du post-partum apparaissent très peu dans les formations actuellement proposées aux sages-femmes ou prennent une part secondaire.
Par exemple, concernant l’incontinence anale du post-partum, plusieurs mécanismes peuvent être associés, et leur prise en charge dépend du mécanisme physiopathologie en cause [7] :
rupture sphinctérienne cliniquement visible,
lésion sphinctérienne cliniquement non décelable,
neuropathie sensitive et/ou motrice d'étirement du nerf pudendal
La dyschésie, les accouchements et les pratiques sportives constituent des facteurs de risque majeurs de trouble de la statique pelvienne et d’incontinence urinaire et anale. Or, pour transmettre à la patiente les outils qui lui permettent de respecter la synergie physiologique entre périnée et abdominaux, seule une approche corporelle globaliste qui propose un apprentissage également en mouvement, voire en simulation de la situation qui cause la dyssynergie semble pouvoir permettre une efficacité sur un long terme, voire, pérenne, sous réserve que l’intégration somesthésique soit effective, ce grâce au savoir-faire du praticien par un travail proprioceptif bien guidé.
Chez la sportive le fossé qui sépare ces deux situations est colossal. Apprendre aux sportives à intégrer des réflexes dans des conditions qui ne correspondent pas à leur pratique ne peut pas fonctionner... Il est primordial que le réflexe fasse partie intégrante de la pratique sportive.
La rééducation périnéale est « opérateur dépendant ». La pédagogie du rééducateur est prépondérante. L’apprentissage de la méthode proposée impose à chaque professionnel une intégration personnelle cognitive et proprioceptive pour une retransmission efficace aux patientes. Ce chemin corporel proprioceptif de réapprentissage des gestes moteurs acquis leur permettra d’optimiser leur efficacité en qualité de praticien rééducateur mais aussi d’être plus crédible en se présentant avec une posture plus juste…
Le retour de l’évaluation de l’amélioration des pratiques professionnelle témoigne d’une grande satisfaction des patientes suivies par des sages-femmes pratiquant cette méthode, avec la compréhension de la physiologie, la physiopathologie, la mise en place de techniques rééducatives globales et proprioceptives, en accord avec les recommandations professionnelles. Grande satisfaction également des sages-femmes de par l’efficacité, l’intérêt et l’adhésion des femmes à ce programme, ce qui est une composante importante des résultats.
Les compétences requises pour une approche globale, médico-rééducative proprioceptive consistent en un savoir, savoir-faire, un savoir-être, un savoir transmettre afin de se situer en prévention comme en thérapeutique Des compétences utilisables tant lors des séances que lors des consultations gynécologiques de prévention :
Compétence 1: Evaluer son niveau de connaissances et de compétences en matière de prise en charge globale et proprioceptive des troubles de la statique pelvienne féminine
Compétence 2: Connaître l’anatomie et la physiologie en matière de statique pelvienne pour comprendre les dysfonctionnements
Compétence 3: Savoir établir et transmettre un diagnostic précis des troubles de la statique pelvienne et de l’incontinence urinaire ; d’orienter
Compétence 4: Connaître l'intérêt de la réhabilitation de ses troubles par l'abord corporel statique et dynamique
Compétence 5: Savoir prévenir et traiter les troubles de la statique pelvienne et de l’incontinence urinaire par le mouvement et la proprioception
Compétence 6: Savoir établir une stratégie thérapeutique des troubles de la statique pelvienne personnalisée, globale et proprioceptive
Compétence 7: Evaluer l'amélioration de son niveau de connaissances et de compétences en matière de prise en charge globale et proprioceptive des troubles de la statique pelvienne et de l’incontinence urinaire féminine
[1] [7] Paul-Antoine LEHUR, (Nantes), président ;Anne-Marie LEROI (Rouen) -Gastroentérologie clinique & biologique2000; 24: 299-314 © Masson, Paris, 2000 - Recommandations pour la pratique clinique
[2] Seim, A., B.C. Eriksen, and S. Hunskaar, A study of female urin ary incontinence in general practice. Demography, medical history, and clinical findings. Scand J Urol Nephrol, 1996 ; 30 : p. 465- 71.
[3] Facteurs de risque de l’incontinence urinaire (A.N.A.E.S de mai 2003)
[4] ANAES, Recommandation pour la pratique clinique - Prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme en médecine générale - Recommandations, Mai 2003.
[5] Recommandations pour la prise en charge rééducative de l’incontinence urinaire non neurologique de la femme URO FRANCE Progrès en urologie (2010) 20 Suppl. 2, S104-S108.
[6] Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF). Extrait des Mises à jour en Gynécologie et Obs